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COMMUNICATION INTERCULTURELLE

L’arabe, une langue collaborative

François BROSSARD, Partenaire Fondateur

Fév 7, 2017 | Traduction | 0 commentaires

J’ai découvert récemment une belle citation du regretté Michel Tournier : « Je crois qu’un livre a toujours deux auteurs : celui qui l’a écrit et celui qui le lit. »

Une jolie manière de rappeler une quasi-banalité : tout message n’est complet qu’une fois partagé. Ce sont bien en effet les sens « additionnés » de l’émetteur et du destinataire qui lui confèrent son sens « intégral », enfin du moins celui à partir duquel va se construire et se poursuivre la communication entre ces deux derniers. En ce sens, nous avons effectivement là deux « auteurs » placés sur un même plan horizontal.

« Je crois qu’un livre a toujours deux auteurs : celui qui l’a écrit et celui qui le lit. »

Ce caractère collaboratif du langage est parfois inscrit dans le génome même de la langue vecteur de communication. C’est le cas de l’arabe littéraire dont la forme écrite ne s’encombre généralement pas  des voyelles, représentées le plus souvent par des accents  – et non des lettres – et dont l’utilisation est réservée aux apprenants (et à l’arabe coranique). Comme le rappelait le professeur Rhonda Zaharna de l’American University de Washington D.C. dans sa contribution au « Sage Handbook of intercultural competence » de Darla K. Deardorf (Sage Publications, 2009), l’arabe écrit prône une dimension fortement associative, tout à fait à l’image des comportements culturels génériques des Arabes eux-mêmes. Ainsi, il appartient au lecteur de « vocaliser » lui-même les mots qu’il lit, afin de découvrir leur sens réel. Exemple : le mot « KTB » signifiera « il a écrit » (KaTaBa), « il a été écrit » (KouTiBa) ou « les livres  » (KouTouB) en fonction de la position des accents-voyelles dans chacune des graphies. Le sens définitif du mot sera donc déterminé par le lecteur qui le déduira de la syntaxe générale de la phrase et du contexte narratif. Au passage, une amicale pensée à tous les courageux apprenants de l’arabe…

Crédit photo :

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Heureusement que l’oral est là, se dira-t-on… Mais pas si vite ! L’un des pères de la communication interculturelle, Edward T. Hall, aura malheureusement rangé le monde arabe dans le rayon des cultures fortement contextualisées (« high-context cultures »), c’est-à-dire des situations de communication dans lesquelles l’émetteur fournira les éléments périphériques du message et laissera au destinataire le soin d’en découvrir l’élément central. En d’autres termes et pour faire court, un chat ne sera pas appelé un chat…

Alors, l’arabe, langue collaborative par excellence ? En tous les cas, son apprentissage et son utilisation permettent de développer une qualité essentielle de la communication interculturelle : la capacité de « se mettre à la place de l’autre » en se demandant ce qu’il a bien pu vouloir dire… En d’autres termes, l’empathie.

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